Histoire de Sylvie et Dominique Mennesson

L'histoire de Sylvie et Dominique Mennesson met en lumière leur parcours face à l'infertilité, leur recherche de solutions alternatives telles que la gestation pour autrui en Californie, la naissance de leurs jumelles grâce à la fécondation in vitro, ainsi que les difficultés auxquelles ils ont été confrontés lors de leur retour en France avec leurs enfants en raison d'obstacles juridiques et de soupçons d'adoption illégale.

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Histoire de Sylvie et Dominique Mennesson :

Début 1998, le couple M. se voit confirmer que ses problèmes d'infertilité proviennent d'une malformation très rare de Madame M. (1 cas sur 5 000 naissances) appelée syndrome M.R.K.H. rendant impossible toute gestation. Madame M. avait été opérée d'une aplasie vaginale, dans un hôpital de M… sans qu'aucun chirurgien, médecin traitant ou psychologue ne lui ait révélé la gravité de son état. Il lui fallut recourir à la demande d'une gynécologue parisienne, près de vingt ans plus tard, pour qu'enfin lui soit communiqué le rapport de chirurgie de l'opération, où le qualificatif de RKH était indiqué. Cependant, ses ovaires étaient fonctionnels et le couple à partir de cet instant, rechercha toutes les solutions palliatives (adoption, chirurgie, assistance médicale à la procréation) pour avoir un enfant.

Dans ce cadre, et ayant l'habitude de voyager dans le monde chacun dans leur cadre professionnel, M. et M se rendant fréquemment aux Etats-Unis, où il fut porté à leur connaissance les progrès de l'AMP dans ce pays. Le couple se rend donc, en août 1998 en Californie pour mesurer sur le terrain les avancées médicales et législatives de cet Etat en matière d’infertilité ce qui les conduit, en novembre 1998, à entamer une procédure de « gestation pour autrui » avec un couple Californien.

En janvier 1999, après maintes démarches médicales et administratives, une première tentative de FIV (fécondation in vitro) se solda par un échec (impossibilité d’atteindre le deuxième ovocyte de Mme M. pour une ponction lors de la laparoscopie).

En juin 1999, une seconde tentative de FIV échoue également.

En février 2000, une troisième et dernière tentative a lieu -le couple ayant décidé d'arrêter après cette dernière tentative, par manque d'argent et en accord avec la gestatrice - avec le recours à un don d'ovules provenant d'une tierce femme qui n'est pas la gestatrice. La FIV se passe très bien et ils apprennent la grossesse gémellaire de la gestatrice Californienne en mars 2000.

Le 14 Juillet 2000, conformément à la législation Californienne en vigueur, un Jugement de la Cour Suprême de Californie établit le couple " père et mère des enfants à naître " issus des embryons du couple, portés par la gestatrice.

Le 2 septembre 2000, comme prévu depuis longtemps le couple se marie, en présence de toute la famille et de leurs amis.

Le 25 octobre 2000, les jumelles V. et F. naissent en parfaite santé à La Mesa, Californie (Comté de San Diego). L'accouchement se passe très bien, et le couple est très heureux de poursuivre encore aujourd'hui sa relation d'amitié avec la gestatrice et sa famille. Tous les documents officiels (certificats de naissance) sont établis en les désignant comme parents, conformément à la législation en vigueur dans l'Etat Californien.

Le 2 novembre 2000, M. M se rend seul au Consulat Français de Los Angeles pour les faire inscrire sur son passeport et sur leur livret de famille. Le vice-consul refuse en arguant notamment qu'aucun des deux époux n'est résidant aux USA et lui demande de fournir un "certificat d'accouchement".
Le 3 novembre 2000, le couple rentre en France avec ses enfants à l'aide des passeports Américains établis avant leur départ. Il obtient après maintes difficultés l'inscription de ses filles à la Sécurité Sociale, ainsi qu'aux allocations familiales, (par l'application de l'article 47 du code civil) aidé en cela par un avocat spécialiste du droit civil.

Le 8 novembre 2000, la Consul de Los Angeles transmet aux services juridiques de Nantes (état civil des Français nés à l'étranger) une lettre dans laquelle elle déclare avoir "personnellement rencontré Mr M. le 8 novembre 2000" et " décidé de surseoir à l'exécution de la transcription " aux motifs de soupçons notamment d'une " adoption illégale ", pouvant causer, entre autres, un " trouble à l'ordre public ".

En janvier 2001 la Police de Villejuif convoque le couple qui y est entendu et leur demande de procéder à un "examen médical" ce que M. M accepte à condition de connaître le délit qui leur est reproché et le but légal de cet examen ; Mme M refuse aux motifs du respect de sa vie privée.

En mars 2001 : une enquête de Police est menée sur le lieu de travail de Mme M, et à la mairie où le couple s'est marié.

Le 14 avril 2001 : le couple fait baptiser ses enfants en l'Eglise de leur commune, en présence de toute la famille et s'en "remet à la grâce de Dieu".

En Juin 2001 : Commission rogatoire chez tous les médecins dont la gynécologue qui suivait Mme M et qui avait pris quelques notes sur leur cas, depuis la première visite, le couple l'avait tenue informée de ses démarches et du déroulement du processus, pour obtenir quelques conseils, notamment relatifs au protocole de stimulation ovarienne que Mme M suivait.

Le 10 décembre 2001, le couple est convoqué par la juge d’instruction en vue d’une « mise en examen pour entremise en vue de gestation pour le compte d’autrui » (article 227-12 du code pénal) et « simulation ayant entraîné une atteinte à l’état civil d’enfants » (article 227-13). Après que le couple ait été entendu, la juge a indiqué qu'elle annulerait le premier chef d’accusation, mais maintiendrait le second, et a positionné le couple en « témoins assistés ».

En octobre 2002, l'avocat remet au juge d'instruction une étude, réalisée par le Professeur de droit Geouffre de la Pradelle, où il y démontre " l'absence de délit commis par les époux M. " du fait notamment de la non-extraterritorialité des consulats et de l'absence de simulation d'autre part étant donné que les actes de naissance avaient été établis par les autorités californiennes. .

Le 3 décembre 2002, le couple est notifié de la clôture de l’instruction par le Juge d'Instruction nouvellement nommé (article 175). Cette clôture confirme l’absence de délit, et devait, -sauf appel du Procureur-, entraîner un non-lieu.

Le 11 Mai 2003, le couple reçoit du substitut du Procureur de Créteil une procédure civile ("mise en état" demandant l'annulation des actes de naissance américains, ainsi que l’annulation de la transcription de ces actes de naissance - transcription qui apparaît avoir été faite le 25 novembre 2002, sur ordonnance dudit Juge d'Instruction.

Le Procureur convoque l’avocat des époux M. à une première audience devant le Tribunal de Grande Instance pour juin 2003 (reportée au 17 septembre 2003). Le motif invoqué est celui d’un "trouble à l'ordre public" et se base sur une jurisprudence de juillet 2002 prononcée par la Cour d'Appel de Rennes, refusant à un couple ayant eu recours à la gestation pour autrui aux Etats-Unis la filiation maternelle (bien que le cas fût assez différent).

Le 18 août 2003, le couple reçoit une nouvelle mise en examen du même Juge d'Instruction, mais cette fois-ci pour un seul des deux motifs invoqués en décembre 2001: « tentative de simulation ayant entraîné une atteinte à l’état civil d’enfants faite le 8 novembre 2000 à Los Angeles», faits passibles de trois ans d'emprisonnement et d'une amende de 45 000 euros.

Mr et Mme M. ont finalement reçu le 2 octobre 2004 du juge d’instruction auprès du Tribunal de Grande Instance de Créteil, une ordonnance de non-lieu datée du 30 septembre 2004, sur « réquisitoire de Monsieur le Procureur de la République en date du 24 septembre 2004, tendant au non-lieu ». Il ressort de cette ordonnance :

« Que le délit d’entremise en vue de gestation pour le compte d’autrui apparaît inapplicable en l’espèce ».

« Que les époux M. ont été mis en examen du chef de tentative de simulation ayant entraîné une atteinte à l’état civil des enfants. » « La loi pénale française ne semble pas davantage applicable de ce chef. »

« L’article 113-2 alinéa 2 du Code Pénal édicte que l’infraction est réputée commise sur le territoire de la République dès lors qu’un de ses faits constitutifs a eu lieu sur ce territoire. »

« Or, tous les faits constitutifs de ce qui pourrait être qualifié de simulation au sens de l’article 227-2 du Code Pénal ont eu lieu sur le territoire des Etats-Unis, conformément à la législation en vigueur dans ce pays. C’est également dans cet Etat que les époux M. ont obtenu le 14 juillet 2000, le jugement de la Cour Supérieure qui légitime leur qualité de père et mère des enfants à naître. C’est également enfin dans cet Etat qu’ont été dressés les actes de naissance des enfants et que les autorités fédérales ont établi leurs passeports. »

Cette décision de justice fera la « une » des journaux et sera commentée dans la Revue Dalloz de janvier 2005, et elle sera qualifiée de « jurisprudence ».

Le 20 décembre 2005, après plusieurs séries d’échanges de documents avec le substitut du procureur, le jugement civil a été prononcé en faveur des époux M. Le Tribunal a déclaré le procureur de la république « irrecevable en sa demande » aux motifs qu’il ne « saurait remettre en cause l’existence même des actes de naissance des enfants F. et V. établis en exécution d’une décision prononcée par la Cour Supérieure de Californie ».

Le 06 janvier 2006, le Parquet a fait appel de cette décision devant la Cour d’Appel de Paris.

Le 02 mai 2006, l’avocat général, représentant du ministère public, a déposé ses conclusions qui font connaître les motifs de l’appel. Il justifie son action en qualifiant « d’actes mensongers » les certificats de naissance américains et demande « l’annulation de la transcription des actes de naissance».

Le 25 octobre 2007, la Cour d'Appel de Paris a confirmé le jugement en première instance aux motifs de l'intérêt supérieur des enfants. De plus les juges ont considéré que l'annulation de la transcription, si elle était prononcée, poserait un problème de trouble à l'ordre public international et priverait d'autre part les enfants de toute filiation, y compris à l'égard de leur père.

Cette décision de justice fera la « une » des journaux et des télévisions, et soulèvera un vaste mouvement de soutien dans l'opinion public. Néanmoins, un certains nombre de commentateurs se tromperont en évoquant une insémination artificelle alors qu'il s'agit d'une Fécondation In Vitro avec dons d'ovules d'une personne différente de la gestatrice.

Le 13 novembre 2007, l’avocat général de la Cour d'Appel de Paris, représentant du ministère public, a déposé une demande de pourvoi auprès de la Cour de Cassation.

Le 17 décembre 2008, la première chambre civile de la cour de cassation a cassé la décision de la cour d'appel de Paris du 25 Octobre 2007. Cette décision ne porte pas sur la légalité ou non du recours à la gestation pour autrui, mais sur le droit ou non pour le ministère public de contester une transcription d'acte civil émanant d’un pays souverain. L’avocat du couple, Me Bouzidi, avait plaidé que le ministère public d’une part ne pouvait demander l’annulation de la transcription qui n’est affectée d’aucune irrégularité, et d’autre part n’avait pu établir un fait contraire à l’ordre public interne, car la transcription est conforme aux actes de naissance, dont la cour d’appel a constaté qu’ils étaient « réguliers » comme le jugement étranger, avec lequel il constitue un tout indissociable. Ces considérations à elles seules justifiaient selon lui le rejet du pourvoi. De plus, Maître Bouzidi avait également rappelé que l’action du ministère public se heurtait aussi à un intérêt supérieur des enfants protégé par des normes internationales supérieures, qui sont d’ordre public. Pourtant, l'arrêt de la Cour de Cassation est muet sur la question du repect de l'intérêt de l'enfant.

Le 18 mars 2010, la cour d'appel de Paris a suivi la demande du parquet et a annulé la transcription des actes de naissance américains sur les registres de l'état civil français. L'arrêt sera lui même transcrit en marge des actes de naissance français qui sont annulés (alors que leur transcription avait été ordonnée par ce même parquet 8 ans auparavant). Les juges ont écarté toute considération du droit international et européen de l'enfant en considérant que l'absence de transcription n'a pas pour effet de priver les deux enfants de leur état civil américain et de remettre en cause le lien de filiation qui leur est reconnu à l'égard des époux MENNESSON par le droit californien. Cette décision qui fait le grand écart en matière de filiation a été jugée insuffisante et contraire au principe d'égalité par les époux Mennesson qui ont alors décidé de se pourvoir en cassation. Pour la première fois, ils ont pris l'initiative de la procédure en justice, l'ensemble des épisodes judiciaires des dix années précédentes relevant lui de l'initiative du parquet à leur encontre.

Le 6 avril 2011, la cour de cassation a rejetté le pourvoi aux motifs qu’est justifié le refus de transcription d’un acte de naissance établi en exécution d’une décision étrangère, fondé sur la contrariété à l’ordre public international français de cette décision, lorsque celle-ci comporte des dispositions qui heurtent des principes essentiels du droit français ; qu’en l’état du droit positif, il est contraire au principe de l’indisponibilité de l’état des personnes, principe essentiel du droit français, de faire produire effet, au regard de la filiation, à une convention portant sur la gestation pour le compte d’autrui, fût-elle licite à l’étranger, et qu’une telle annulation, qui ne prive pas les enfants de la filiation maternelle et paternelle que le droit californien leur reconnaît ni ne les empêche de vivre avec leurs parents en France, ne porte pas atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale de ces enfants au sens de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, non plus qu’à leur intérêt supérieur garanti par l’article 3 § 1 de la Convention internationale des droits de l’enfant. Les juges n'ont donc pas suivi l'avis de l'avocat général qui avait lui mis en avant la violation de la primauté de l'intérêt de l'enfant et de la paix des familles définis par ces conventions qui résulterait de l'absence de transcription de l'état civil régulièrement acquis à l'étranger. Constatant la similitude de l'arrêt avec deux autres arrêts prononcés le même jour pour des situations juridiques très différentes (il s'agissait d'adoptions par la conjointe du père, sans remise en question de la filiation paternelle et donc de la nationalité française des enfants), mais aussi la quasi absence de motivation de la préservation des droits des enfants au sens des conventions citées, les époux Mennesson ont décidé de se porter en Cour Européenne des Droits de l'Homme.

Le 12 février 2012, la Cour Européenne des Droits de l'Homme a déclaré recevable la requête de la famille Mennesson et en a notifié le gouvernement français. Les parties ont ensuite communiqué leurs observations sur les griefs tirés des articles 8 et 14 de la Convention.

Le 26 juin 2014, la Cour Européenne des Droits de l'Homme a condamné à l'unanimité la France pour violation de l’article 8 de la Convention s’agissant du droit des enfants Mennesson au respect de leur vie familiale. La cour a en effet conclu que leur droit au respect de la vie privée avait été méconnu par la cour de cassation dans son arrêt du 6 avril 2011.

Le 12 décembre 2014, le conseil d'état a rejeté la totalité des requêtes visant à annuler la circulaire Taubira qui permettait d’accorder des certificats de nationalité française aux enfants nés à l’étranger par GPA. L’association C.L.A.R.A. s'était portée partie civile en défense aux cotés de la garde des sceaux. Toutes les arguties juridiques des forces réactionnaires ont été écartées à la lecture des textes de lois de la République.

Le 18 février 2015, les époux Mennesson ont enfin obtenu du Tribunal d'Instance de Charenton le Pont des certificats de nationalité française pour leurs filles, soit deux ans après la validation du dépôt de la demande. Le greffier a validé la force probante des actes de naissance californiens au sens de l'article 47 du code civil.

Le 26 août 2015, les époux Mennesson lassés de se faire opposer des arguties juridiques (attente d’instructions, puis attente de la décision de la cour de cassation qui viendra le 3 juillet 2015, puis prétendue autorité de la chose jugée ), ont assigné en référé le procureur adjoint de Nantes pour qu’il exécute enfin la décision de la CEDH du 26 juin 2014 et donne ainsi plein effet à la filiation de leurs filles dans les registres français.

Le 3 décembre 2015, le Tribunal de Grande instance de Nantes a suivi les demandes et arguments des époux Mennesson développées par Me Roques. Le juge a ainsi écarté l'argument du parquet sur l'autorité de la chose jugée dont l’absence de pertinence a été pointée et a donné suite à la demande de mettre en conformité l'état civil des filles Mennesson avec l'arrêt de la CEDH. Il a ainsi ordonné d'ajouter la mention suivante sur l'état civil "Par ordonnance du 3 décembre 2015, le juge des référés du tribunal de grande instance de Nantes a constaté que l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 18 mars 2010 ne pouvait plus produire d'effets juridiques depuis que l'arrêt de la cour européenne des droits de l'homme MENNESSON contre FRANCE rendu le 26 juin 2014 est devenu définitif le 26 septembre 2014."

Mais le 9 décembre 2015, le parquet de Nantes a fait appel de cette décision. Cet acharnement au service d'une idéologie sans issue n'a pas empêché la famille Mennesson d'obtenir le 23 décembre 2015 une copie complète des états civils de leurs filles ainsi transcrits car l'appel n'est pas suspensif.

Le 27 juin 2016, la cour d’appel de Rennes a infirmée la décision du TGI de Nantes en ce qu’elle avait ordonné la transcription sur les actes de naissance des enfants MENNESSON au motif que le juge des référés est incompétent pour statuer sur la demande des époux MENNESSON. Elle a fait interdiction au service d’état central d’état civil d’exploiter les actes de naissance des enfants MENNESSON transcrits au registre de l’état civil.

Le 5 juillet 2017, la cour de cassation a rejeté le pourvoi des époux MENNESSON au motif qu'il ne résulte d’aucune stipulation de la Convention ni d’aucune disposition de droit interne en vigueur avant le 15 mai 2017 (date d'entrée en vigueur de la procédure de réexament introduite dans le paquet législatif Justice du XXIème siècle) qu’une décision par laquelle la Cour a condamné la France puisse avoir pour effet, en matière civile, de remettre en cause l’autorité de la chose jugée attachée à une décision devenue irrévocable. Ainsi la cour de cassation a pris une décision totalement opposée au principe affirmé par l’Assemblée plénière de la Cour de cassation dans ses arrêts du 15 avril 2011 qui mérite d’être rappelé : « les États adhérents à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sont tenus de respecter les décisions de la Cour européenne des droits de l'homme, sans attendre d'être attaqués devant elle ni d'avoir modifié leur législation. »

Le 16 février 2018, Les juges de la Cour de réexamen ont fait droit à la demande d'un nouvel examen du pourvoi en cassation formé par les époux Mennesson contre l’arrêt rendu le 18 mars 2010 par la cour d’appel de Paris. Ainsi cette infamante décision qui consacrait l’annulation de la reconnaissance de l’état civil de leurs filles va être examinée à nouveau devant l’assemblée plénière de la Cour de cassation le 21 septembre 2018. Les juges ont estimé que, "par leur nature et leur gravité, les violations constatées entraînent pour les enfants des conséquences dommageables".

Le 11 avril 2018, le Tribunal d'Instance de Charenton le pont a fait droit à la demande des époux Mennesson en dressant un acte de notoriété constatant la possession d'état d'enfant de leurs filles. En effet, il a constaté une réunion suffisante de faits révélant le lien de filiation entre d'une part Sylvie et Dominique MENNESSON, et d'autre part Valentina et Fiorella MENNESSON. Conformément à la loi, cette décision ne peut faire l'objet d'un appel.

Le 5 octobre 2018, la cour de cassation a estimé que la jurisprudence européenne était encore floue sur la question de la mère d'intention et a étrenné un nouveau procédé en demandant l'avis préalable de la CEDH. Trois propositions de décision étaient en discussion. Une transcription intégrale des actes de naissance étrangers, une transcription partielle des actes de naissance étrangers, en reconnaissant seulement le père, la mère étant renvoyée à une hypothétique procédure d’adoption. Et un sursis à statuer dans l’attente d’un avis consultatif de la CEDH sur la mère d’intention. Sans grande surprise, c’est cette dernière solution qui a été retenue par les juges. La cour a donc constaté que la jurisprudence actuelle ne répondait ni aux exigences de la CEDH ni à l’intérêt des enfants.

Dans son avis du 10 avril 2019, la CEDH a rappelé à l’unanimité l’obligation pour les états membres de reconnaître la filiation envers les deux parents mentionnés dans l’acte de naissance étranger. Les juges ont précisé que la mise en œuvre de cette reconnaissance de la filiation doit être effective et faite avec célérité, au plus tard quand le lien de filiation s’est concrétisé. La Cour a relevé que la procédure d’adoption intraconjugale mise en avant par la France n’était ouverte qu’aux parents d’intention mariés et que des incertitudes persistaient quant à ses modalités, s’agissant par exemple de la nécessité d’obtenir le consentement préalable de la gestatrice. Ainsi il est particulièrement mensonger d’affirmer que la CEDH a consacré la solution unique de l’adoption intraconjugale au détriment des procédures de transcription de l’acte de naissance étranger, d’opposabilité du jugement en parenté étranger ou de reconnaissance de la filiation par possession d’état qui sont indispensables pour respecter les critères d’effectivité pour toutes les familles et de célérité définis par la CEDH.

Le 4 octobre 2019, la cour de cassation réunie en assemblée plénière a cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 18 mars 2010 par la cour d’appel de Paris qui supprimait la transcription des actes de naissances de Valentina et Fiorella MENNESSON. Les juges ont considéré qu’au regard de l’intérêt supérieur de l’enfant, la présence d’une convention de gestation pour autrui ne peut faire obstacle à la transcription de l’acte de naissance établi par les autorités de l’Etat étranger, en ce qui concerne le père de l’enfant, ni à la reconnaissance du lien de filiation à l’égard de la mère ’intention mentionnée dans l’acte étranger, laquelle doit intervenir au plus tard lorsque ce lien entre l’enfant et la mère d’intention s’est concrétisé. Ainsi, ils ont écarté la solution de recourir à la procédure d’adoption qui aurait, au regard du temps écoulé depuis la concrétisation de ce lien, des conséquences manifestement excessives en ce qui concerne leur droit au respect de la vie privée.

Il aura donc fallu 19 ans à la famille MENNESSON pour faire établir complètement les droits de ses enfants, dont 11 ans pour faire annuler les jugements de 2008, 2010 et 2011 qui violaient leurs droits fondamentaux. Cette jurisprudence s’applique maintenant à plus de 800 millions de personnes dans les pays du Conseil d’Europe. La famille MENNESSON reste la seule à avoir été poursuivie au pénal pour un parcours de GPA réalisé à l’étranger alors que la loi ne prévoit aucun délit pour ce type d’actes.

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